A l’aube de deux séquences électorales déterminantes pour l’avenir de notre pays, en 2021 les élections départementales et régionales et en 2022 les élections présidentielle et législatives, la FSU Occitanie (Fédération Syndicale Unitaire) a souhaité éclairer le débat politique en portant ses propositions et ses analyses.

Offre de formation

La logique adéquationniste, qui consiste à calquer l’offre de formation sur des besoins exprimés localement à un instant donné, a régulièrement montré ses limites et ses dangers. La crise économique qui touche déjà un certain nombre de secteurs a confirmé le risque qu’il y avait à piloter les formations par le seul prisme des besoins locaux en main d’œuvre : ces besoins, évolutifs dans le temps, et parfois très rapidement, ne suffisent pas à déterminer une politique d’offre de formation. Les attentes exprimées, des jeunes et de leur famille, sont des éléments à mieux prendre en compte dans la réponse apportée.

Pour des raisons à la fois d’environnement social et de moyens financiers, de nombreux jeunes sont peu mobiles et beaucoup d’entre eux restreignent leurs ambitions en choisissant un établissement de formation sur le critère de sa proximité. C’est pourquoi, afin d’ouvrir à toutes et tous l’ensemble des champs des possibles, il convient de proposer une offre de proximité comportant l’ensemble des formations du second degré des ministères de l’Éducation nationale et de l’Agriculture. Dans le même temps, développer l’internat ou les résidences scolaires, ainsi que les transports publics et généraliser un usage à coût réduit des transports scolaires, facilitent l’accès à la formation réellement souhaitée et favorisent donc des parcours de réussite pour le plus grand nombre.

Libéralisation de l’apprentissage

La loi relative à la liberté de choisir son avenir professionnel a d’ores et déjà de graves conséquences sur toute la formation professionnelle initiale et continue. En effaçant la distinction entre ces deux moments de formation, en libéralisant les ouvertures de formations en apprentissage pour les Centres de Formation d’Apprenti-e-s (CFA) des branches professionnelles et des entreprises, au détriment d’une répartition équilibrée des formations sous statut scolaire sur l’ensemble du territoire, le gouvernement crée une concurrence déloyale de fait entre ces deux voies. La FSU réclame l’abrogation de cette loi et, en attendant, elle réclame d’urgence la mise en place effective de la mission de contrôle pédagogique prévue dans la loi afin de permettre le contrôle strict de toutes les formations proposant des diplômes délivrés par le ministère de l’Education nationale et celui de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Cette plus grande liberté du développement des CFA d’entreprise permet aux grands groupes de bénéficier, en leur sein, d’écoles professionnelles pour dispenser des formations « maison ». Ainsi, ils disposent d’une main d’œuvre formatée à la culture de leur entreprise, financée sur les fonds publics de la formation professionnelle, quand ces fonds se doivent, au contraire, de répondre aux exigences d’une plus grande émancipation des citoyen-ne-s, et d’une possibilité plus grande de leur évolution professionnelle.

Le financement de l’apprentissage, individualisé « au contrat », met en difficulté l’ensemble des structures pré-baccalauréat et post-baccalauréat publiques à visée professionnelle, qui poursuivent dans le même temps des intérêts plus généraux. Face à la loi du 5 septembre 2018 qui favorise, dans une logique adéquationniste accrue, le développement de l’apprentissage privé pour créer des formations calquées sur les seuls besoins des employeurs d’une seule région à un moment donné, la FSU revendique un développement de la voie professionnelle publique sous statut scolaire car elle seul permet de scolariser tous les jeunes, jusqu’à 18 ans, sans discrimination.

Les Campus des métiers et des qualifications (CMQ) sont au cœur de la réforme de la voie professionnelle. Créés pour répondre en priorité aux besoins économiques locaux, sans se préoccuper des attentes des jeunes en matière de formation, ils se mettent en place au détriment de la diversité des formations existantes, en aspirant des moyens importants au détriment du développement d’autres formations ou d’autres établissements. La labellisation « excellence » de certains d’entre eux renforce en outre une forme de hiérarchie inacceptable entre les établissements.

Post-bac

Au cours du mandat qui s’achève, la Région, accompagnée par l’Etat, a développé dans les lycées d’Occitanie des formations post-bac, notamment des Sections de Techniciens Supérieurs (STS) préparant aux BTS, qui viennent compléter les possibilités de choix des futurs bachelier-e-s. Le nombre de places disponibles dans ces formations devrait encore être augmenté pour mieux répondre à la demande sociale et à l’augmentation du nombre de bachelier-e-s prévisible au regard de la démographie très dynamique de notre région pour au moins les 10 ans à venir. Les structures des classes post-bac, fragilisées par la mise en place de Parcoursup et de la réforme Blanquer du lycée, doivent être sécurisées, en particulier les classes dites “de proximité” qui participent de l’ouverture sociale dans les territoires.

Nos demandes :

La FSU demande :
– le maintien d’un maillage homogène des formations sur le territoire auxquels les Campus des Métiers et des Qualifications ne répondent pas ;
– l’utilisation des fonds publics pour le développement des Lycées et centres de formation publics, tout particulièrement les Lycées Professionnels dont les enseignements généraux sont un levier d’évolutions professionnelles ultérieures pour les élèves ;
– une augmentation du nombre de places dans les Lycées Professionnels dont les capacités d’accueil sont aujourd’hui régulièrement insuffisantes pour satisfaire les demandes des familles, et en prévision des hausses attendues des effectifs scolaires dans les prochaines années ;
– que la Région poursuive une politique ambitieuse d’implantation de Lycées Généraux, Technologiques et Professionnels pour suivre la hausse démographique qui est appelée à se poursuivre : il s’agit d’être attentif à l’ensemble du territoire, mais aussi de veiller à ce que l’implantation permette le maintien d’une réelle mixité sociale et ne conduise pas à des déséquilibres déstabilisant des établissements pré-existants ;
– que la Région complète l’offre de formation en STS, par l’augmentation des capacités d’accueil, et veille à une implantation équilibrée dans tous les territoires de la Région, pour favoriser une offre de proximité riche et attrayante.

L’apprentissage comme fausse solution

Le développement de l’apprentissage est de nouveau un des axes forts du gouvernement. Ce dernier s’est clairement positionné en faveur des organisations patronales, qui pourraient à l’avenir définir les règlements d’examen et les référentiels de formation. A ce titre, la FSU a dénoncé – et continue de dénoncer – la volonté gouvernementale de confier la responsabilité de l’apprentissage aux branches professionnelles. Ce processus, engagé aux dépens des LP et LEGT, donnerait aux branches professionnelles un pouvoir décisionnel de fait sur la carte des formations, hors de tout contrôle public et de l’exigence d’équité territoriale et de développement équilibré, à l’échelle nationale entre les régions, comme intra-régionale.

La FSU s’oppose au développement de l’apprentissage pré-baccalauréat. L’Éducation Nationale doit prendre sa part dans l’apprentissage au niveau supérieur (niveaux II et III), mais sous des conditions qui permettent la réussite des apprentis.

Avant le baccalauréat, l’apprentissage n’est en effet nullement un parcours de réussite pour les élèves en difficulté : rien ne leur garantit l’accès à une qualification au terme de leur formation, pas même l’obtention du niveau V. Le taux d’échec y est élevé, notamment en raison des ruptures de contrats – auxquelles les plus jeunes comme les femmes sont plus particulièrement exposés – et les entreprises se désinvestissent de ces niveaux de formation. Le taux d’échec est d’autant plus élevé que ceux qui qui s’y
retrouvent sont le plus souvent dans une « orientation » par défaut et non choisie. L’apprentissage demeure une voie d’exclusion des jeunes qui n’ont le plus souvent aucun projet professionnel construit. Maintenir coûte que coûte ces formations en apprentissage reviendrait à augmenter encore les aides financières aux entreprises pour un résultat sujet à caution. Enfin, la crise actuelle et la dégradation brutale de la situation de l’emploi qui en résulte, montre les risques que fait peser le statut d’apprenti-e sur la possibilité de mener à terme les études et formations des jeunes engagé-e-s dans ce statut.

La FSU rappelle en outre que l’apprentissage, y compris au niveau bac+2, coûte globalement plus cher à la nation que les formations sous statut d’étudiant. Il reste enfin socialement très discriminant. Les taux de réussite aux examens y sont inférieurs, et les taux d’insertion professionnelle y restent du même ordre que ceux des scolaires.

Toute politique qui promouvrait les formations sous statut d’apprenti-e, notamment sous la pression des régions, contre celles sous statut scolaire entrainerait une régression de la qualité et de l’offre des formations proposées aux jeunes. Le droit d’accès à la formation de ces jeunes adultes ne doit pas pour autant servir de viatique pour minimiser l’investissement éducatif nécessaire pour assurer à tous les jeunes un bon niveau de formation avant leur sortie du système scolaire.

En outre, la mixité des publics sous divers statuts (élève, apprenti-e, formation initiale ou retour en formation, etc. dans la même classe) pose au quotidien de redoutables défis pédagogiques pour les professionnel-le-s de l’éducation. Au-delà de la stricte problématique matérielle de l’organisation (nécessairement tournante), des absences régulières d’une partie significative des élèves, notamment apprenti-e-s, cette mobilité permanente nuit à la qualité des apprentissages et à leur progressivité.
Elle pèse sur la qualité de la relation entre l’élève et l’équipe pédagogique et éducative, au détriment des apprenti-e-s comme des autres élèves : le fonctionnement, sans cesse changeant de la classe, perturbe énormément des élèves déjà fragiles, en accroissant pour eux le risque de rupture de continuité pédagogique. Il faut donc mettre fin à la mixité des publics, qui pénalise autant les élèves en formation initiale que ceux qui sont en alternance et qui augmente et complexifie fortement la tâche des enseignants.

Nos demandes

La FSU demande :
– la limitation de l’engagement de la Région dans le développement de l’apprentissage, pour lui préférer un développement des Lycées Professionnels publics qui offrent de meilleures chances de rebond aux élèves en cas d’évolution professionnelle ultérieure ;
– que l’on mette fin aux formation en publics mixés, et à la politique de promotion et d’extension de ces montages, tout particulièrement sur les publics pré-bac, pour y substituer un retour à des publics plus homogènes en termes de modalités de formation ;
– une transparence accrue sur l’élaboration de la carte des formations, notamment par l’association et la consultation, à tous les niveaux (Etablissements, Académies, Région académique) et dans les instances (Conseil Académique de l’Education Nationale ou son successeur), des représentant-e-s élu-e-s des personnels.

Régionalisation de Pôle emploi : chimère ou réel danger ?

La question de l’emploi et de la formation professionnelle fait partie des préoccupations majeures des Français. Conscients de cela, les responsables politiques de tous bords veulent agir dans ce domaine, n’hésitant pas à se mettre en concurrence avec les acteur-trice-s connu-e-s et reconnu-e-s du service public de l’emploi que sont Pôle emploi, les Missions Locales, l’AFPA ou encore les Direccte (voir par exemple l’expérience ratée de « Proche emploi » dans les Hauts-de-France lancée par Xavier Bertrand).

Le pilotage de la chaîne complète orientation-formation-emploi constitue de longue date une revendication des Régions (toutes majorités politiques confondues). Appuyées par le Sénat, elles poussent en ce sens depuis longtemps. Jusqu’en 2019, les organisations syndicales de Pôle emploi (essentiellement SNU-FSU et CGT) avec l’appui de la Direction Générale et l’oreille attentive des tutelles, ont freiné ce processus (engagé dans de nombreux pays européens).

Le 1er octobre dernier à Bordeaux, à l’occasion du Congrès 2019 de « Régions de France », Édouard Philippe a proposé aux conseils régionaux de s’impliquer davantage dans le pilotage des politiques de l’emploi : « Nous devons nous assurer que, quand une Région ouvre des places de formation parce qu’elle a identifié des besoins, on oriente bien les demandeurs d’emploi vers elles. D’où la nécessité que tous les acteurs se coordonnent dans le cadre du service public de l’emploi », a-t-il indiqué. Il est même allé plus loin en proposant « à trois Régions volontaires d’expérimenter la mise en place d’une instance de gouvernance de l’emploi, dont la présidence serait assurée par le président du conseil régional. Cette instance pourrait, par exemple, décider des domaines de formation sur lesquels Pôle emploi devra concentrer son action. Elle pourrait aussi piloter des expérimentations pour faire évoluer les services de Pôle emploi sur les parcours des demandeurs d’emploi vers la formation ou coordonner le contrôle de la qualité de la formation, et émettre des avis sur les moyens de mieux répondre aux besoins de recrutement des métiers en tension dans la région ».

Dès cette annonce, Carole Delga a demandé à faire partie des 3 régions qui vont se lancer dans l’expérimentation – au final ce sont 6 régions qui vont expérimenter le pilotage régional de l’action de Pôle emploi en matière de formation des chômeurs et privés d’emploi.

La FSU voit dans la revendication des Régions le risque, à terme, d’une explosion de Pôle emploi en autant d’entités régionales. Cela pose directement plusieurs problèmes au regard de notre conception du service public, qui doit garantir une égalité de traitement entre usagers et permettre un accès large des publics à ces services :
– l’égalité de traitement des demandeurs d’emploi : d’une région à l’autre, en fonction des choix politiques, l’accès possible à la formation sera différencié. Nous parlons là des choix budgétaires et des richesses dont disposent les régions (il y a encore des régions plus ou moins « riches »). Pôle emploi, organisme d’Etat, avec son assise nationale, assure une péréquation des moyens alloués à la formation ;
– l’égalité de traitement des entreprises : d’une région à l’autre, les aides aux entreprises diffèrent alors que Pôle emploi assure aujourd’hui une péréquation des moyens alloués aux entreprises ;
– souvent liées au contexte économique local et/ou aux lobbyings locaux des entreprises, les orientations en matière de formation sont différentes d’une région à l’autre avec de plus en plus de formations orientées sur les seuls besoins des entreprises. Pôle emploi est un « amortisseur » limitant ces différences et permet (encore) de tenir compte des besoins des demandeurs d’emploi ;
– un risque fort en termes de disparition des points d’implantation des Pôles emploi, et évidemment de suppressions de postes, qui limiteraient la présence en proximité au plus près des usagers.

Nos demandes

Dès lors, la FSU demande que le Service Public de l’Emploi, demeure national permettant ainsi de garantir l’égalité de traitement, quels que soient le lieu d’habitation, le projet professionnel et les moyens financiers.
La FSU est tout à fait défavorable à une régionalisation déguisée de Pôle emploi, qui passerait par le pilotage régional de l’action de Pôle emploi en matière de formation des chômeurs.

 

Retrouvez l’ensemble des propositions de la FSU Occitanie.