Il faudra peut-être remercier un jour la loi « Travail » du Medef pour avoir fait atteindre la phase d’ébullition au bouillon de contradictions idéologiques qui accompagnait ce mot de « Travail » en société capitaliste.

La superposition de ce terme avec celui d’« emploi » et la confusion organisée entre deux notions pourtant antagonistes a failli réussir à naturaliser un travail aliéné et son « marché de l’emploi ». Cette confusion, devenue évidence par asphyxie médiatique, a autorisé derrière elle la production d’énoncés assénés comme des évidences : « Mais enfin, pauvre ignare économique,seules les entreprises peuvent créer et donner du travail ! », ou encore « les services publics ça coûte et ça endette ! », et surtout « le salaire socialisé est une charge économique inadmissible ! » et quelques autres…Bref, il n’y avait jusqu’au 32 mars, de vrai travail que dans « l’emploi » celui que les employeurs, avant de le transformer en dividendes, manipulent avec l’outil du « marché de l’emploi ».

Et voilà que resurgissent les réminiscences d’un marxisme déclaré disparu, l’idée que produire c’est se créer soi-même en même temps qu’on travaille pour tous les autres, que cela pourrait être libérateur, épanouissant socialement, créateur d’autre chose que de marchandises ; bref, le contraire de ces heures abstraites, insignifiantes, dépendantes que les employeurs et leur classe sociale semblent concéder par charité aux salariés. On connaît tous des jeunes qui préfèrent la galère des activités librement choisies, aux humiliantes procédures des entretiens et CV d’embauche, aux petits boulots précaires et sans rapport avec les compétences. La loi Travail, en rendant caricaturale la vraie nature de l’emploi exploité, va peut-être revivifier le sens de l’article 23 de la déclaration de 48, un sens que le mot travail avait perdu au profit, c’est le cas de le dire, de l’étymologie douteuse de tripalium ; « Émanciper le Travail », comme le dit Bernard Friot, pourrait commencer par l’exigence d’une mise en pratique contraignante de cet article 23 .

Henri GUARINOS

Article 23 de la déclaration universelle des droits de l’homme (rappel)

1. Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage.

2. Tous ont droit, sans aucune discrimination, à un salaire égal pour un travail égal.

3. Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant ainsi qu’à sa famille une existence conforme à la dignité humaine et complétée, s’il y a lieu, par tous autres moyens de protection sociale.

Source: fsu11