Edito

Ouf !

Une fois de plus l’accès au pouvoir de l’extrême droite a été barré. Mais de nouvelles digues ont encore sauté. Certaines personnalités ou groupes politiques n’ont pas hésité à appeler à voter pour le FN au 2 nd tour : DupontAignan, Marie-France Garaud, De Villiers, Boutin… Sans donner de consigne de vote explicite, Sens commun et la Manif pour tous ont appelé à s’opposer à Macron. Marine Le Pen a en partie réussi son entreprise de banalisation et sa base électorale s’élargit encore, y compris au sein de populations qui lui étaient jusque là franchement défavorables : chez les fonctionnaires, les salarié-es proches d’un syndicat ou les catholiques. Et alors que le vote des femmes pour le FN était jusqu’à présent inférieur à celui des hommes, il l’a rejoint selon les sondages IFOP et BVA concernant le premier tour de la présidentielle ; pire, selon Opinion way, il l’aurait même dépassé de 3 points…

Pourtant, malgré les apparences, la façade ripolinée, le FN a peu changé. Et de même que nous dénonçons l’imposture sociale du Front National, il faut également continuer à dénoncer son imposture féministe. Depuis plusieurs mois, Marine Le Pen a tenté, non sans succès, de séduire l’électorat féminin.

L’enjeu était de taille, on a vu comment le vote des femmes avait par exemple fait barrage à l’extrême droite autrichienne lors des présidentielles de l’automne dernier. Pour la première fois, la candidate frontiste a dénoncé les inégalités salariales, même si elle est restée au stade de l’affichage inconsistant en matière de mesures à appliquer. Elle a même changé sa position relative à l’IVG. Mais quand il s’agit de dénoncer les violences et discriminations subies par les femmes, elle ne fait que pointer en boucle les « dangers de l’islamisme », dédouanant totalement le patriarcat, comme si les hommes occidentaux étaient tous égalitaristes… Enfin, elle a mis en scène sa féminité, avec des tracts et une affiche de campagne utilisant les codes de la presse people, allant jusqu’à brandir l’argument essentialisant selon lequel sa « sensibilité féminine l’amène[rait] à mieux percevoir l’injustice » et « l’incline[rait] davantage à la défense des plus faibles ». Ces efforts ont malheureusement payé : le « gender gap » a quasiment disparu (1)…

Il va maintenant falloir être vigilantes par rapport aux positions du nouveau président concernant les droits des femmes. Et l’on peut déjà s’interroger quand on sait que Macron a annoncé la suppression de 120 000 postes de fonctionnaires, alors que 62 % des agents sont des agentes ! Il a affiché sa volonté de parité en politique, mais l’a qualifiée de « beau risque »… les femmes apprécieront. Tiendra-t-il sa promesse du 8 mars de nommer une femme première ministre ? Quant à son prétendu féminisme, il est pour le moins essentialiste, lui aussi : « Je crois dans l’altérité. (…) Je suis profondément féministe car j’aime ce qu’il y a d’irréductible dans l’autre qu’est la femme ». Et c’est le même homme qui s’est entouré de danseuses en bikinis rouges le soir de sa victoire… Visiblement, M. Macron a grand besoin de leçons de féminisme.

Cécile Ropiteaux

(1) – Il faudra affiner l’analyse avec les sondages du second tour. Selon Nonna Mayer, l’attitude agressive de Marine Le Pen lors du débat télévisé peut lui avoir fait perdre des voix féminines.


Source: fsu11