« ce ne sera pas un nième plan » de titularisation : aucune création de postes ; modalités et nombre de titularisés selon les possibilités locales. Il ne s’agit « ni d’embaucher », « ni de mettre fin au recours à des contractuels en CDD »
(Ministre de la fonction publique, Le Parisien 7 mars 2011).
Les déclarations de Tron sont claires. ChacunE peut voir que la question de la signature du protocole gouvernemental sur la précarité sort du cadre – habituel dans la FSU et ses syndicats – du débat d’orientation. Nous ne sommes plus dans le domaine des divergences sur les façons d’en finir avec la précarité et de titulariser les précaires (sur lesquelles nous avons défendu les positions d’Émancipation dans les congrès et les instances et notamment lors du dernier CDFN).
Avec ce protocole et la loi qui en sortira, nous ne sommes pas dans le cadre d’un nouveau plan de résorption visant à intégrer une partie des non titulaires dans un corps de la fonction publique. Dans un plan « classique » le débat portait sur la nature du corps d’accueil, les conditions pour être ayant-droit, la budgétisation des titularisations et sur les modalités pour limiter le recours aux emplois précaires.
Mais dans ce cas précis, il n’est question de rien de tel. L’absence d’engagement budgétaire, dans le contexte actuel de suppression massives de postes combiné avec les conditions limitatives et la durée du dispositif laisse augurer en fait de « titularisation » essentiellement des passages en CDI et pour une infime partie des non titulaires (entre 40 000 et 100 000 sur les 900 000 recensés, nombre qui exclut les contrats aidés et qui est lui-même sous-estimé par rapport aux 2,4 millions de cotisants à l’IRCANTEC qui ne sont pas des élus).
Le cœur du dispositif gouvernemental n’est donc pas un processus de titularisation, même insuffisant. Celui-ci sert à masquer le développement massif du contrat dans la Fonction publique, en opposition au statut
recrutement maintenu voire amplifié de CDD qui seront éventuellement « CDIsables »
institutionnalisation et développement du CDI en imaginant même que ce soit 100 000 CDI, ce serait tout de même deux fois plus que les éventuelles titularisations : on voit bien que l’argument selon lequel il ne s’agit pas de recrutement direct en CDI ne tient pas.
Les contrats encore plus fragiles (de projet, d’opération…) ne figurent pas explicitement dans le protocole mais ils sont mis à l’étude… on a vu ce que ce genre de pratique à déjà permis au pouvoir de programmer l’affaiblissement du rôle des CAPA.
Le principal pour le gouvernement est de nous faire mettre le doigt dans l’engrenage pour enclencher une entreprise de liquidation du statut sur le modèle de France Telecom / la Poste. : le but est d’instaurer, par la réduction du nombre de postes aux concours, la concurrence, y compris numérique, du contrat par rapport au statut.
Sous couvert « d’apporter une réponse immédiate aux situations de précarité », le gouvernement privilégie de fait le CDI contre le statut, il maintient la perspective de nouveaux recrutements de personnels contractuels. Il poursuit par ailleurs sa politique de réduction des emplois statutaires dans la Fonction Publique et de réduction des postes mis aux concours de recrutement (100 000 postes supprimés de 2007 à 2010, 31600 en 2011, 32 800 suppressions sont déjà prévues en 2012, 33 000 en 2013).
A terme, le dispositif est conçu pour être fatal au statut. On ne peut l’apprécier indépendamment de la politique d’ensemble dans la Fonction Publique, car il se conjugue avec :
les suppressions massives de postes
les réformes faites pour porter des coups au statut : 1/ formation des maîtres avec la mise en place d’un vivier de « masterisés » non reçus aux concours pour alimenter le recrutement en CDD, 2/ la loi mobilité se concrétisant par une « souplesse » de gestion… facilitée par le développement des contrats, 3/ et la RGPP.
Quelques arguments pour la signature du protocole sont formulés. Pour les précaires, ce serait mieux que rien, et ces personnels seraient demandeurs d’une signature. Or le réemploi n’est même pas garanti : ce protocole ne donne aucun élément permettant d’empêcher les licenciements « à chaque fois que de besoin » . D’autre part les personnels précaires ne réclament pas un CDI, mais un vrai emploi statutaire. Les non ayants droits à la titularisation, l’écrasante majorité, restent exposés aux conséquences de la précarité.
Mais pour la toute petite minorité qui aura accès au CDI ? Il faut s’entendre sur ce qu’est un CDI. Même s’il existe dans certains secteurs des CDI plus solides, avec des protections relatives, ce ne sont pas ces sortes de CDI là qu’on nous propose de développer, mais ceux du genre des CDI de l’éducation nationale par exemple : très peu de droits concernant les licenciements, la carrière, la rémunération…Et avec ce vide juridique encore plus sidéral du CDI public, qui est de la responsabilité des TA dont les jurisprudences sont du domaine du statutaire.
Ce protocole ne sera même pas bénéfique pour les précaires, dire que des gens auront une meilleure situation par le passage en CDI c’est jouer sur les mots : le fait majeur est qu’en donnant le feu vert au développement des CDI, nous fournirions un levier au gouvernement, qui ne se privera pas d’utiliser le CDI comme arme contre les revendications ultérieures de titularisation… aux dépens des précaires.
Comment le SNES pourrait-il justifier le fait d’accepter cette brèche ouverte dans les statuts de la Fonction publique face aux personnels titulaires, mais aussi comment pourra-t-il justifier face aux précaires le fait de plomber toute revendication ultérieure sur la titularisation ?
De surcroît ce protocole permet au gouvernement de généraliser des éléments de gestion « manageriale » des personnels que nous contestons, comme par exemple l’entretien individualisé avec le supérieur hiérarchique (page 11). Serait-il acceptable de donner à la faveur de ce protocole un feu vert à de tels dispositifs ?
Outre la planche inespérée qu’un tel accord représenterait pour un président, un gouvernement et une majorité en pleine perdition, la signature du protocole ne serait pas seulement l’acceptation du développement d’une politique de recours à la précarité, elle contribuerait à porter un coup au statut.
Nous ne concevons pas que le SNES puisse y souscrire, l’affaissement du statut serait aussi celui du SNES qui est construit sur sa défense, comme élément porteur de droits pour les personnels. Signer ce protocole serait aussi quelque part porter un coup au syndicalisme en général en même temps qu’au statut de la Fonction publique, et au SNES en particulier… avec toutes les conséquences que l’on peut imaginer.
Source: fsu11